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Longtemps reléguée au second plan des démarches RSE et du reporting extra-financier, la biodiversité relevait jusqu’ici d’approches essentiellement volontaires. Avec la publication de la nouvelle norme internationale ISO 17298, un cadre commun est enfin mis en place pour structurer l’action des organisations face aux enjeux liés à la biodiversité.
Publiée en octobre 2025, la norme ISO 17298 constitue le fruit des travaux du comité technique ISO/IC 331, présidé par l’AFNOR et mis en place en 2010 pour élaborer un ensemble cohérent de normes relatives à la biodiversité.
Son objectif est clair : permettre aux organisations de toutes tailles et de tous secteurs d’activité d’intégrer la biodiversité dans leur stratégie d’entreprise, en cohérence avec les autres grands référentiels environnementaux existants tels que l’ISO 14001 ou l’ISO 26000.
Pourquoi cette norme est-elle un tournant pour les entreprises ?
Jusqu’à présent, les engagements en matière de biodiversité restaient le plus souvent déclaratifs ou dispersés, faute de l’existence d’un cadre opérationnel précis. La norme ISO 17298 y remédie en apportant une démarche à la fois lisible, applicable mais également compatible avec les outils RSE déjà utilisés par les entreprises.
Complémentarité avec la CSRD et la CSDDD
Le nouveau référentiel ISO 17298 est totalement aligné avec la directive CSRD et notamment avec la norme ESRS E4 dédiée à la biodiversité et aux écosystèmes. Il constitue donc pour les entreprises un véritable support méthodologique pour sa mise en œuvre en leur permettant d’identifier de façon rigoureuse :
- les impacts significatifs de leurs activités sur la biodiversité ;
- les risques naturels pouvant affecter l’organisation ;
- leurs dépendances critiques au fonctionnement des écosystèmes ;
- les opportunités stratégiques liées à la nature.
Par ailleurs, la norme présente également une forte cohérence avec la CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), en particulier sur les questions de chaîne de valeur, de diligence raisonnable et de gestion des risques liés à la nature.
Alignement avec la TNFD et le Global Biodiversity Framework
La norme ISO 17298 reprend plusieurs principes structurants de la TNFD (Taskforce on Nature-Related Financial Disclosures) et notamment l’approche “LEAP” (Locate - Evaluate - Assess - Prepare).
Elle a également été élaborée en cohérence avec les objectifs du Global Biodiversity Framework (GBF - Cadre mondial pour la biodiversité), adopté lors de la COP15 à Montréal et qui vise à prévenir la perte de biodiversité à l’échelle mondiale grâce à la fixation de cibles mesurables pour la protection, l’utilisation durable et le partage équitable des bénéfices liés à la nature.
Quelles sont les exigences clés de l’ISO 17298 ?
La nouvelle norme ISO 17298 s’organise autour de quatre piliers essentiels.
1. Analyse des impacts, dépendances et risques liés à la nature
L’organisation doit réaliser une analyse approfondie de ses interactions avec la biodiversité, en intégrant notamment :
- ses impacts directs (extraction de ressources, pollutions, artificialisation des sols) ;
- ses impacts indirects, notamment via sa chaîne de valeur ;
- les dépendances à la nature qui conditionnent le fonctionnement de ses activités ;
- les risques naturels pouvant affecter sa résilience.
Cette analyse constitue la base de la double-matérialité, un aspect essentiel du nouveau reporting extra-financier mis en place par la directive CSRD.
2. Evaluation des opportunités et priorisation des enjeux
La norme ISO 17298 impose également aux organisations d’identifier les opportunités stratégiques liés à la nature (solutions fondées sur la nature, nouveaux marchés, innovations, partenariats territoriaux, etc.). Ces différentes opportunités doivent être priorisées selon des critères explicites, afin d’orienter la stratégie de façon cohérente et mesurable.
3. Elaboration d’un plan d’action biodiversité et mise en place d’indicateurs de suivi
L’entreprise doit élaborer une stratégie nature fondée sur des objectifs clairs, réalistes et alignés avec les différents enjeux matériels qu’elle a identifiés. Ce plan d’action doit notamment intégrer :
- des indicateurs biodiversité pertinents et vérifiables ;
- des engagements de réduction des impacts sur la biodiversité ;
- des mesures d’amélioration continue ;
- un reporting extra-financier structuré et compatible avec la CSRD.
4. Gouvernance et amélioration continue
La norme ISO 17298 met l’accent sur la nécessité d’un leadership fort, d’une allocation de ressources adéquate et d’une gouvernance transparente. Par ailleurs, la stratégie nature doit se fonder sur une logique d’amélioration continue, inspirée de la logique PDCA (Plan-Do-Check-Act) de la norme ISO 14001 relative au management environnemental.
Comment s’y préparer et s’y conformer ?
Outils et méthodologies disponibles
Pour mettre en œuvre la norme ISO 17298, les organisations peuvent s’appuyer sur plusieurs outils déjà existants :
- l’outil ENCORE (Exploring Natural Capital Opportunities, Risks and Exposure), développé par Global Canopy. Il permet d’analyser les dépendances et pressions exercées sur les écosystèmes et peut ainsi être utilisé comme première étape dans la mise en œuvre de l’approche LEAP ;
- les standards AFNOR relatifs à la biodiversité et aux impacts environnementaux et notamment :
- la série de normes XP X30-901, XP X30-902 et XP X30-903 relatives à la biodiversité
- la norme ISO 14001 (Systèmes de management environnemental) ;
- la norme ISO 26000 (Responsabilité sociétale des organisations) ;
- la norme NF X30-300 relative au reporting extra-financier, aux indicateurs de performance environnementale et à la biodiversité.
- des outils internes de cartographie des risques ou de planification stratégique.
Intégration de la biodiversité dans le management environnemental
La norme ISO 17298 peut être pleinement intégrée dans un système existant de management environnemental basé sur l’ISO 14001. L’objectif est de faciliter son déploiement sans qu’il soit nécessaire de créer une nouvelle architecture de pilotage.
Suivi et vérification
La conformité à la norme peut être ensuite contrôlée via des audits internes ou externes, permettant de vérifier notamment la qualité de la gouvernance mise en place, la pertinence des indicateurs choisis, l’efficacité des actions et la robustesse du reporting réalisé.
ISO 17298 : quels bénéfices pour les entreprises ?
Anticipation réglementaire et reporting renforcé
La norme ISO 17298 offre l’avantage de faciliter la préparation aux différentes obligations issues de la directive CSRD mais aussi de la loi sur la restauration de la nature ou encore de la CSDDD. Elle fournit aux organisations un cadre commun et rigoureux pour structurer leur reporting extra-financier concernant le volet biodiversité.
Confiance accrue des investisseurs et des parties prenantes
En adoptant un référentiel reconnu internationalement, les organisations peuvent renforcer à la fois leur transparence et leur crédibilité auprès de l’ensemble de leurs parties prenantes (investisseurs, clients, partenaires, etc.). Elles peuvent en effet démontrer qu’elles disposent d’une analyse structurée des risques liés à la biodiversité.
Accès à de nouvelles opportunités économiques
Il est également important de noter que la norme invite à considérer la biodiversité non plus uniquement comme un risque pour les entreprises mais aussi comme un réel levier de création de valeur. À ce titre, elle leur permet d’identifier notamment des opportunités économiques en termes d’innovations, de partenariats ou encore de nouveaux modèles économiques résilients.
Contribution à la résilience et à la stratégie climat-biodiversité
Enfin, la norme ISO 17298 permet aux entreprises de renforcer leur résilience grâce à une prise en compte rigoureuse des enjeux liés à la biodiversité notamment en termes de dépendances et de risques naturels. Elle leur offre la possibilité d’articuler les stratégies climat et biodiversité, deux dynamiques désormais cruciales et indissociables dans la mise en place d’une stratégie RSE.
Conclusion
Avec la norme ISO 17298, la biodiversité fait enfin son entrée dans le langage normatif international. Pour les entreprises, elle ne constitue plus un sujet secondaire mais devient un réel levier stratégique, au même titre que le climat ou la gestion des risques.
En utilisant ce nouveau référentiel, les entreprises se dotent d’une approche structurée, crédible mais aussi alignée avec grandes attentes internationales en matière de biodiversité et de reporting extra-financier (CSRD, TNFD, Global Biodiversity Framework).