Actuellement en discussion au Parlement européen, la proposition de directive Green Claims vise à encadrer l’utilisation des allégations environnementales afin de lutter contre le greenwashing et permettre aux consommateurs de prendre des décisions d’achats plus durables. Contexte, objectifs, conséquences… On vous explique tous les enjeux de cette nouvelle réglementation qui s’inscrit dans la lignée du Pacte Vert européen.
Qu’est-ce que la directive Green Claims et dans quel contexte s’inscrit-elle ?
Le recours aux allégations environnementales est une pratique commerciale volontaire qui permet aux entreprises de mettre en avant une ou plusieurs caractéristiques environnementales de leurs produits ou services. Bien qu’elle ne date pas d’hier, cette pratique s’est fortement développée ces dernières années face à des consommateurs toujours plus soucieux de la durabilité des produits qu’ils achètent.
S’il permet d’attirer le consommateur en mettant en avant la durabilité des produits vendus, le recours aux allégations environnementales n’est néanmoins pas sans risque et peut parfois conduire à une désinformation du consommateur, communément appelée écoblanchiment ou greenwashing. Une étude réalisée par l’Union Européenne en 2020 a ainsi mis en exergue que plus de la moitié des allégations environnementales communiquaient des informations vagues, trompeuses ou infondées et que 40% des allégations n’étaient pas étayées (!).
Ces pratiques de greenwashing entraînent une confusion importante pour les consommateurs et un manque de confiance dans la crédibilité des informations affichées par les entreprises. Elles entraînent également une concurrence déloyale entre les entreprises en pénalisant celles qui font de réels efforts pour améliorer la durabilité de leurs produits et services.
La directive “Green Claims” vise directement à remédier à cette problématique en établissant un régime clair pour les allégations environnementales afin que les consommateurs puissent disposer d’informations fiables, comparables et vérifiables. Elle vient concrétiser un engagement important de l’Union Européenne dans le cadre du Pacte Vert européen qui vise à donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique.
Contenu et objectifs de la directive Green Claims
Adoptée en mars 2023, la proposition de directive européenne sur les allégations environnementales met en place un certain nombre de nouvelles règles pour encadrer l’utilisation des allégations écologiques et garantir la fiabilité des labels environnementaux utilisés par les entreprises dans le cadre de leur communication environnementale.
Dispositions générales applicables aux allégations environnementales
Elle prévoit notamment que les allégations environnementales devront être justifiées en se fondant sur l’évaluation d’un certain nombre de critères minimaux (précisés à l’article 3 du projet de texte). Dans le cas contraire, les allégations environnementales ne pourront pas être utilisées par les entreprises dans leurs pratiques de communication, sous peine de sanctions.
Cette évaluation devra notamment :
- tenir compte des approches scientifiques reconnues au niveau international pour déterminer et mesurer les performances environnementales du produit (ou du professionnel) ;
- évaluer si l’allégation est exacte pour le produit tout entier ou seulement pour certaines de ses parties ;
- fournir des informations permettant de savoir si les performances environnementales du produit sont significativement meilleures par rapport à la pratique courante.
Concernant la communication des allégations environnementales, la directive Green Claims prévoit notamment qu’elles devront être accompagnées d’informations relatives à la justification de la performance environnementale du produit. L’objectif est que le consommateur ait accès à un niveau de précision d’informations nécessaires pour lui permettre de faire un choix éclairé lors de ses achats.
Dispositifs spécifiques applicables aux labels environnementaux
La directive comporte également un certain nombre de nouvelles règles applicables aux labels environnementaux et précisées à l’article 8. Elles visent notamment à interdire l’ensemble des labels de durabilité qui ne répondent pas à des exigences minimales de transparence et de crédibilité ainsi que ceux fondés sur l’auto-certification. Par ailleurs, la création de nouveaux systèmes de labellisation ne serait approuvée que s’ils apportent une réelle valeur ajoutée et s’ils sont développés au niveau de l’Union Européenne.
L’un des apports majeurs de cette directive et que préalablement à leur utilisation, les allégations environnementales et systèmes de labels devront être vérifiés et certifiés par des tiers. Cette vérification doit être effectuée par un organisme indépendant accrédité officiellement, sans conflit d’intérêts et disposant de l’expertise adéquate. Une fois la vérification effectuée, le vérificateur décidera alors (ou non) de livrer un certificat de conformité pour l’allégation ou le label utilisés, reconnu dans toute l’Union Européenne.
Directive Green Claims : quelles conséquences concrètes pour les entreprises et les consommateurs ?
Grâce à ces nouvelles règles, les consommateurs doivent pouvoir bénéficier d’une plus grande clarté et d’une plus grande assurance qu’un produit vendu comme “écologique” l’est réellement. Ils doivent également avoir accès à une information de meilleure qualité afin de pouvoir choisir des produits et services respectueux de l’environnement.
Du côté des entreprises, cette nouvelle directive présente notamment l’avantage d’établir une approche commune pour les allégations environnementales pour l’ensemble des entreprises européennes. Elle doit ainsi permettre d’augmenter la compétitivité des entreprises qui s’inscrivent dans une démarche véritablement durable et de pénaliser au contraire celles qui recourent à des pratiques commerciales frauduleuses. A plus long terme, la directive ambitionne directement d’augmenter la demande de produits et services “verts” grâce à un niveau de confiance plus élevé des consommateurs.
Notons néanmoins que ces nouvelles règles risquent également d’entraîner un coût supplémentaire pour les entreprises qui souhaitent recourir à des allégations environnementales. Elles devront, en effet, prendre à leur charge les coûts afférents à la justification et à la vérification de conformité des allégations qu’elles souhaitent utiliser. Néanmoins, chaque entreprise pourra contrôler elle-même ces coûts en décidant ou non d’utiliser certaines allégations en fonction de sa stratégie commerciale.
Risque de greenhushing : entre prudence et invisibilisation
En instituant un cadre réglementaire renforcé pour l’utilisation d’allégations environnementales dans la stratégie marketing des entreprises, la future directive Green Claims devrait donc permettre de lutter efficacement contre le greenwashing. D’autant plus que des sanctions sont prévues en cas de non-respect des principes :
- l’application d’une amende à hauteur de 4% du chiffre d’affaires ;
- l’exclusion des marchés publics et l’inégibilité à certains financements ;
- la confiscation des revenus obtenus grâce à l’utilisation d’allégations environnementales trompeuses.
Mais si cette nouvelle réglementation marque donc une avancée majeure et louable, elle comporte également le risque de favoriser le greenhushing (littéralement “se taire sur le vert”), soit la mise en œuvre par certaines entreprises d’une stratégie volontaire de non-communication sur leurs pratiques environnementales.
Cette tendance de greenhushing s’observe en effet depuis un certain nombre d’années face au renforcement des différentes législations en matière environnementale : certaines entreprises choisissent volontairement de ne pas communiquer sur leur stratégie climatique dans l’objectif de limiter ainsi l’exposition à la critique.
Bien que moins visible que le greenwashing, ce phénomène n’en est pas moins problématique. Il entraîne également des risques réels pour les entreprises concernées, en particulier la perte d’un avantage compétitif et d’opportunités en matière de financements ESG ou encore une démobilisation des salariés en interne.
Conclusion
Si cette directive est effectivement adoptée, les entreprises seront soumises à un cadre réglementaire plus contraignant concernant les allégations environnementales. Afin d’anticiper au mieux ces changements à venir et limiter les risques de non-conformités, il est fortement recommandé de mettre en œuvre dès à présent des pratiques de communication rigoureuses et transparentes :
- veiller à expliquer et étayer toute allégation avec des chiffres ;
- s’assurer que les chiffres ont été obtenus grâce à une méthodologie scientifique et reconnue.
La réalisation d’analyses du cycle de vie constitue à ce titre un outil essentiel pour obtenir des données précises sur l’impact environnemental des produits commercialisés et réfléchir sur des moyens de réduire cet impact pour les produits les moins “vertueux”.
Il est important de garder en tête que si ces efforts de transparence peuvent avoir un coût, la mise en œuvre de pratiques de communication responsable peut néanmoins s’avérer très bénéfique pour l’entreprise en permettant une amélioration de son image de marque et une augmentation de ses ventes grâce à un plus grand niveau de confiance des consommateurs.