Bien que le nombre d’accidents du travail diminue depuis les années 1950, leur analyse reste cruciale pour garantir une prévention des risques efficace en entreprise. L’objectif est d’éviter la réitération de l’accident grâce à l’identification d’éventuelles défaillances du matériel utilisé ou de dysfonctionnements dans l’organisation du travail.
Quand et comment conduire une analyse d’accident du travail ? Suivant quelle méthodologie ? Tennaxia vous présente tout cela en détail dans cet article.
Analyse d’un accident du travail : quels enjeux ?
Pour rappel, l’accident du travail est défini comme “quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise” (article L411-1 du Code de la sécurité sociale).
Plusieurs éléments ressortent de cette définition :
- l’accident doit résulter d’un fait ayant entraîné une atteinte physique ou mentale à un travailleur ;
- l’accident doit se produire dans le cadre de l’exécution du travail, mais pas nécessairement au sein de l’entreprise ;
- l’existence d’un lien de subordination (relation de travail) entre le travailleur victime et son employeur.
La réglementation précise par ailleurs que doit également être considéré comme un accident du travail l’accident survenu pendant le trajet d’aller-retour entre :
- la résidence principale du travail et le lieu de travail (ou tout autre lieu où il se rend habituellement pour des raisons familiales) ;
- le lieu de travail et le lieu de restauration du travailleur

Le nombre d’accidents du travail, bien qu’en baisse depuis quelques années, reste encore très important. Selon les chiffres de l’Assurance maladie, 717 719 accidents du travail ont été reconnus en 2023 dont 759 mortels.

L’analyse des accidents du travail joue un rôle crucial pour diminuer leur fréquence. Elle vise, en effet, à identifier les causes de l’accident pour pouvoir mettre en place des actions correctives et préventives et éviter ainsi que l’accident ne se reproduise.
Pour les entreprises, cette analyse revêt un enjeu à la fois économique (réduction des coûts directs et indirects liés aux accidents du travail) mais aussi juridique, la responsabilité civile et/ou pénale de l’employeur pouvant être engagés en cas de faute inexcusable.

Mais les accidents du travail génèrent également des coûts indirects qui peuvent être très élevés (baisse de productivité, coûts éventuels de formation et de recrutement liés au remplacement du salarié victime, remplacement du matériel défectueux le cas échéant, etc.).
Comment analyser un accident du travail ?
On distingue en pratique deux grands types d’analyse des accidents du travail :
- l’analyse quantitative : elle porte sur un nombre important d’accidents et vise, à l’aide d’indicateurs statistiques (taux de fréquence, indice de fréquence, taux de gravité) à dégager une vision globale des risques d’accident dans l’entreprise et à établir de grandes priorités d’action. Cette analyse est néanmoins insuffisante pour définir une politique de prévention des risques dans l’entreprise.
- l’analyse qualitative : il s’agit de l’approche la plus pertinente pour traiter les causes directes et indirectes d’un accident du travail et définir les actions correctives et préventives les plus adaptées. Elle vise à comprendre pourquoi l’accident s’est produit, en interrogeant toutes les composantes du système (technique, organisationnel, humain) et leurs interactions.
En pratique, l’analyse qualitative d’un accident du travail implique 7 étapes importantes que nous vous proposons de développer ci-après.
1) Informer l’employeur
Le salarié victime d’un accident du travail doit en informer son employeur au plus tard dans les 24 heures, conformément à la procédure préalablement fixée dans l’entreprise. Ce délai ne court évidemment pas en cas de force majeure, d’impossibilité absolue ou de motif légitime.
A la suite de cette information, l’employeur remplit alors une déclaration d’accident du travail (DAT) et doit impérativement prendre les mesures de prévention immédiates nécessaires pour éviter le suraccident (exemples : interdire l’accès à une zone de travail ou l’utilisation d’un équipement).

Les informations importantes relatives à l’accident du travail doivent être conservées dans un registre spécifique qui mentionne (à minima) :
- la date de l’accident ;
- la ou les personne(s) concernée(s) ;
- le lieu de survenance de l’accident ;
- les circonstances ;
- les conséquences pour la victime.
2) Constituer un groupe d’analyse de l’accident du travail
Le plus tôt possible, un groupe d’analyse disposant des compétences nécessaires doit être constitué. Il sera chargé de collecter les informations sur l’accident du travail, d’en identifier les causes et de proposer des actions pour éviter qu’il ne se reproduise. La composition et l’effectif du groupe doit être adapté à la fois à la taille de l’entreprise mais aussi à la nature de l’accident et à l’ampleur du dommage.

3) Recueillir les informations concernant l’accident et identifier les faits
Une fois constitué, le groupe d’analyse doit collecter, le plus rapidement possible, l’ensemble des informations relatives à l’accident du travail. L’INRS précise à ce titre que les circonstances de l’accident peuvent être analysées selon 5 thèmes :
- l’organisation du travail ;
- le profil de la victime ;
- l’activité réalisée lors de la survenue de l’accident ;
- l’environnement de travail (localisation, éclairage, bruit, etc.) ;
- les produits et équipements utilisés au moment de l’accident (machines, outils, produits chimiques, etc.).

4) Déterminer les causes de l’accident
Le groupe de travail doit reconstruire le déroulé de l’accident du travail et s’interroger sur :
- ses causes directes (faits ayant directement occasionné l’accident) ;
- ses causes indirectes (causes plus en amont ayant favorisé sa survenue).
Il s’agit de l’étape la plus importante de l’analyse car c’est elle qui conditionnera l’efficacité des mesures de prévention qui seront prises par la suite. Différentes méthodes sont couramment utilisées pour la réaliser comme la méthode de l’arbre des causes (nous y reviendrons) ou encore la méthode des “5 M” (Main d’Oeuvre, Milieu, Matière, Méthode et Moyens).
5) Choisir des actions correctives et établir un plan d’actions
En fonction des différentes causes identifiées à l’étape précédente, le groupe d’analyse doit définir les actions correctives jugées comme les plus adaptées pour éviter la survenue d’un accident similaire. Ces différentes actions doivent être listées dans le cadre d’un plan d’actions précisant pour chacune d’entre elles (à minima) :
- leur délai de mise en place ;
- le coût estimé de mise en œuvre ;
- la personne chargée de sa mise en œuvre.

6) Réaliser un retour d’expérience
Une fois le plan d’actions établi, il est très important de réaliser un retour d’expérience auprès de la victime mais aussi de ses collègues de travail. L’objectif est de favoriser l’acceptabilité des différentes actions définies mais aussi de sensibiliser les équipes à davantage de vigilance dans le cadre de leurs activités.

7) Mettre à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)
L’analyse d’un accident du travail doit nécessairement donner lieu à une mise à jour du DUERP (et du PAPRIPACT dans les entreprises de moins de 50 salariés).
Deux cas-de-figure peuvent être distingués :
- le risque d’accident n’avait pas encore été identifié dans le document unique, auquel cas il doit être inclus dans l’évaluation des risques de l’unité de travail concernée.
- le risque avait d’ores et déjà été identifié : il convient alors de s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’accident s’est quand même produit malgré les mesures déjà mises en place et réactualiser ces mesures en conséquence.
Zoom sur la méthode de l’arbre des causes
La méthode de l’arbre des causes est la méthode à privilégier pour l’analyse qualitative d’un accident du travail. Elle a été développée par l’INRS et vise à aller plus loin que le simple constat de l’accident en en recherchant les causes profondes.

Concrètement, il s’agit de représenter et d’organiser dans un ordre logique les faits ayant conduit ou contribué à l’accident, en essayant de remonter aux causes les plus lointaines possible. L’arbre des causes est donc construit de droite à gauche ou de haut en bas en partant du dommage.
Cette méthode comprend deux étapes essentielles : la construction de l’arbre des causes et l’exploitation de celui-ci pour la prévention.
La construction de l’arbre des causes
L’arbre des causes est construit grâce à l’obtention de deux grandes sources d’informations : les observations sur l’environnement de travail et les entretiens effectués auprès des personnes concernées (victime, témoins, etc.). Pour garantir leur exhaustivité, ces informations doivent être collectées le plus rapidement possible après l’accident.
La construction de l’arbre implique de représenter de manière graphique l’enchaînement logique des faits identifiés comme ayant conduit ou contribué au dommage.
Exemple d’arbre des causes dans le secteur du BTP (source : INRS) :


L’exploitation de l’arbre des causes pour la prévention
Une fois l’arbre des causes réalisé, le groupe en charge de l’analyse doit réfléchir à des mesures de prévention pour chaque fait déterminé à l’origine de l’accident du travail. L’objectif étant de supprimer la possibilité qu’un tel fait se reproduise.

Le choix des mesures à mettre en place relève de la responsabilité de l’employeur. Il doit notamment s’appuyer sur différents critères : leur conformité à la réglementation en vigueur en matière de santé et sécurité au travail, leur stabilité dans le temps, l’absence de création de nouveaux risques, etc.
Selon l’INRS, il existe quatre principaux facteurs de succès de l’analyse des accidents du travail suivant la méthode de l’arbre des causes :
1) l’engagement de l’employeur de ne pas utiliser la méthode comme un moyen de recherche de la responsabilité ;
2) la formation des personnes chargées de conduire l’analyse (il peut s’agir, par exemple, d’un responsable SST et d’un membre du CSE) ;
3) l’information du personnel et notamment des managers sur les objectifs de la méthode afin de favoriser leur adhésion et participation ;
4) une fois les différentes mesures de prévention mises en place, la communication sur les améliorations concrètes constatées.
Pour en savoir plus sur cette méthodologie, n’hésitez pas à consulter directement la brochure réalisée par l’INRS.